La tête dans les nuages

Mercredi dernier, par une journée grisâtre. Je respire un bon coup en entrant dans l'aéroclub. J'ai les jambes qui tremblent légèrement : c'est que je me prépare à effectuer un saut en chute libre pour la première fois. Je repère mon instructeur, Matt. C'est lui qui va m'accompagner là-haut. L'atmosphère est très décontractée. Je retrouve un peu l'atmosphère que j'ai déjà pu sentir en faisant un stage de plongée sous-marine avec des pros l'année dernière. A croire que les activités riches en adrénaline exigent beaucoup de décontraction. Matt m'explique rapidement les trucs à faire (et à ne pas faire) une fois en l'air, puis on enfile nos harnais. Une fois harnaché et l'équipement vérifié par Matt, on rejoint le petit coucou qui semble dater du siècle passé (et c'est vraiment le cas). Ce n'est tout de même pas sur ce truc que je suis censé embarquer ? Petit coup de panique. Eh bien si, c'est bien sur ça que je vais embarquer. Je me hisse péniblement à l'arrière pour m'installer à même le plancher, sur un simple matelas. A propos de plancher, justement : nous abandonnons le plancher des vaches l'instant d'après. Je prends l'avion assez régulièrement (un des rares avantages de mon travail), mais là, c'est différente. Voler à bord d'un petit appareil se révèle vite assez épouvantable. De temps à autre, des trous d'air me donnent l'impression d'être un petit pois dans une boîte qu'on secoue, et je cherche désespérément un truc à quoi m'accrocher. Mais je n'ai que mon courage et ma patience à quoi m'accrocher. Après 20 minutes de vol, nous rejoignons finalement l'altitude requise. A ce moment-là, j'en ai tellement assez de cet appareil que je suis content de passer à l'action. Je me jetterais volontiers directement dans le vide. Mais ce serait ballot : c'est Matt qui a le parachute. Matt joint donc mon harnais au sien, et nous voilà siamois. C'est fou, quand on y pense : quatre petits points d'ancrage pour nous relier l'un à l'autre... et pour me maintenir en vie, accessoirement. S'ils venaient à céder, le grand saut se transformerait en grand splash. Oui, c'est vraiment fou, quand on y pense. Mieux vaut ne pas y penser. Matt m'offre une protection à mettre par-dessus mes lunettes de vue. L'élastique me garrotte le sommet du crâne, mais étant donné qu'on va tomber à près de 200 km/h, je préfère ça plutôt que de les paumer en route. Ca y est, c'est l'heure d'y aller. Oi qui étais impatient d'y aller une minute plus tôt, je change brusquement d'avis lorsque je me retrouve devant l'ouverture béante. Pourquoi je suis là, au fait ? On se lance finalement. Enfin, on se laisse tomber (en hurlant), pour être exact. Et là... Là, c'est magnifique. Soixante petites secondes de pur extase ! On file à une vitesse prodigieuse. Sur voie rapide, je me ferais flasher et perdrais quelques points ! Ici, il n'y a rien à perdre et tout à gagner. La liberté est totale. Mon visage est tendu par la vitesse. Je dois ressembler à mon chien lorsqu'il sort la tête par la vitre du siège passager, sur la route des vacances. Soudain, le parachute s'ouvre et j'ai un instant l'impression d'être un pantin sauteur. La seconde partie sympathique de l'expérience peut commencer. Car la phase de descente vaut le coup d'oeil, même si elle ne vaut pas la chute. Imaginez : cinq minutes à flotter au-dessus de la terre, dans un silence absolu. Voir le monde tel que les anges doivent le regarder. C'est presque mystique. Malheureusement, c'est aussi court que mystique. Cinq minutes plus tard, on rejoint le sol, ébahi par l'aventure mais un peu frustré par son goût de reviens-y. La prochaine fois, j'opterai pour un saut en solo. Et si vous souhaitez faire de même, je vous laisse le lien vers le club de saut en parachute.